Yatai
Aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, je vais vous présenter une institution japonaise.
Laquelle, me demandez-vous ? Le parlement, la diète ?
L’école publique ? Eh bien non, rien de tout cela. Aujourd’hui, je vais vous présenter les yatai !
Les yatai, acte I : le contexte.
Vous marchez au bord d’une rivière, dans une ville japonaise surpeuplée.
C’est la nuit, les lumières de la ville éclairent votre chemin.
Soudain, vous apercevez au loin une lanterne rouge, signe qu’il existe non loin d’ici de bonnes choses à manger…
Vous vous rapprochez du brouhaha et des effluves de bouillon qui vous attirent irrésistiblement, pour vous retrouver nez à nez avec un enchevêtrement de barraques en bois qui semblent dater du Moyen-Age.
Sans même le savoir, vous venez de découvrir le quartier des yatai.
Les yatai, acte II : la règle du jeu.
Les yatai sont des baraquements montés le soir et démontés le matin par leurs propriétaires, des cuistots hors la loi. En effet, les yatai sont illégaux : un peu comme les paillotes, ils n’ont aucun droit de s’installer sur les trottoirs, ni aucun droit de servir la popote à des clients, les règles d’hygiène de base de la restauration n’étant pas respectables dans de telles conditions. Cependant, ils ont beau être illégaux, ils n’en demeurent pas moins, dirons-nous, tolérés.
L’interdit toléré est une règle courante en ce qui concerne la restauration au Japon. Ainsi en va-t-il du fugu, le poisson-lune qui contient le poison le plus mortel du monde. Mais le fugu, préparé par un expert es sashimi, est un délice très prisé des gastronomes nippons. Compte tenu du danger que sa consommation représente (un mauvais coup de couteau du chef suffirait à tuer tout les clients du restaurant), le fugu est interdit. Mais il est généreusement « toléré » dans certaines villes du Japon, comme le prouvent les nombreuses enseignes sous lesquelles des dizaines de clients attendent pendant des heures de pouvoir goûter à ce poisson si délicieusement dangereux.
Les yatai sont donc tolérés, à condition d’apparaître à la tombée de la nuit et de disparaître avant le lever du soleil. Pour ce qui est du « loyer », les marchands s’arrangent avec les yakusa, la mafia locale, qui les laisseront tranquilles pourvu qu’ils aient payé leur dû.
Manger dans un yatai, pour un Japonais, est une pratique transgressive et en même temps très banale. En effet, les marchands de rue ont toujours été là , depuis la nuit des temps, et ils font partie du folklore local. Leur clientèle est majoritairement masculine (les salarymen qui rentrent du travail, très tard le soir), et l’alcool coule à flots entre deux slurps de râmen (la soupe aux nouilles la plus courante des yatai).
Dans les yatai, on parle le patois local, au coude à coude avec ses camarades de gamelle, assis sur des caisses en bois. Pas de manières ni de chichis, les demoiselles peuvent passer leur chemin !
Les yatai, acte III : ce qu’on y mange.
Si la foule noctambule se presse dans ces échoppes, ce n’est pas seulement parce que c’est pratique, c’est aussi parce que c’est bon. Les règles d’hygiène ont beau être scrupuleusement bafouées, on dit que c’est là que l’on mange la meilleure cuisine japonaise, celle qui a le goût puissant du miso et des saveurs nippones les plus recherchées. Les spécialités les plus répandues sont les râmen (nouilles chinoises servies dans un bouillon gras très relevé, dans lequel flottent une tranche de porc et quelques feuilles de chou), les sushis et sashimis (du poisson cru savamment découpé), ou encore la tempura (friture très légère de fruits de mer et de légumes).
Je n’ai jamais osé m’aventurer dans un yatai, d’abord parce que la fréquentation ne m’apparaissait pas comme très accueillante, et ensuite parce que je savais que, étant étrangère, on tenterait de me rouler en me faisant payer un prix d’or (les prix ne sont pas affichés, en général, c’est un peu à la tête du client).
Je me suis donc contentée de regarder, de sentir, et d’apprécier l’ambiance des yatai. Une atmosphère moyen-âgeuse, surprenante quand on sort à peine de la ville, encore aveuglé par ses lumières et toutes ses musiques artificielles.
Le vrai Japon : entre tradition et modernité.
On peut tres certainement l’assimiler au Japon !
Je suis toujours surprise de vivre entouree de tant d’elements modernes (les telephones portables dernier cri sont le meilleur exemple) et d’autant d’archaisme a la fois (la plupart des logements ne sont pas equipes pour le chauffage, et pourtant il fait froid l’hiver ici aussi !). Pareil pour les Mc Do qui copinent avec les enseignes de sushi « tradition » et les yatai.
Le Japon s’adapte a la modernite, mais sans changer au fond, et c’est ce qui fait son charme !
Japon-passion, tu as bien raison…
C’est genial de te lire a propos des yatais. Le dernier magazine Gourmet (mai 2005) a consacre un numero special au « street food » dans le monde. Tu peux lire l’article consacre aux yatais ici : http://www.epicurious.com/gourmet/features/street_food/tokyo. Je l’ai trouve tres bien fait, on y trouve aussi des adresses, qui sait, tu les testeras pour nous ? Ce serait bien que tu puisses y faire un tour avec un autochtone, ce serait dommage de rentrer en France comme ca !
Merci pour l’info Estelle ! Je viens d’aller découvrir les « street food » du monde entier chez Epicurious.com ! Celles dont il est question pour le Japon sont à Tôkyô. Ca fait un peu loin pour moi, mais je les garde, au cas où il m’arrive de repasser par là -bas !
C’est vrai que ma timidité m’a empêchée de goûter à une expérience certainement exceptionnelle. Il faut que je me soigne !
Encore un article passionnant.
Mais c’est vrai, essaie de te faire accompagner par des collègues pour goûter la nourriture proposée dans les yatai.
Sinon as-tu déjà goûté au fugu ?
Je ferai d’abord goûté le chef avant d’y goûter !!!
Je n’y ai pas encore goûté, et ce pour deux raisons aussi bêtes mais aussi vraies l’une que l’autre : 1) c’est très très cher et 2)j’ai un peu les chocottes quand même, j’ai pas très envie de mourir si jeune (oui, je sais, c’est très lâche !).
Non ne t’inquiète pas. Ce sont deux bonnes raisons.
Et puis ça ne sert à rien de payer cher pour mourir !!
Ton blog me donne très envie de visiter le Japon.. Merci 😀
Wahou, Claudine, merci pour toutes ces precisions ! Le recit de tes experiences est edifiant. A Fukuoka, j’ai vu un yatai qui avait sur son enseigne du vin francais, du fromage et du pain. Malheureusement, il ne proposait que des sushi ! Quant au fugu, c’est vrai que ca fait un peu mal au porte-monnaie, surtout si ca n’a pas de gout (ce que je redoutais, mais je n’en avais jamais eu confirmation – maintenant c’est fait, merci Claudine !).
Ne t’inquiète pas ! D’abord, tu le reconnaîtras au prix (hors de prix !). Et puis, on ne le trouve pas sur la carte des restaurants lambda, il faut tout de même aller dans des restaurants spécialisés, que tu reconnaîtras car la petite icône du fugu y sera forcément (un dessin de poisson tout en rondeurs !). Tout simplement, si tu te contentes des restaurants où les gens vont et qui ont pignon sur rue, aucun risque.